Bâtiments intelligents : piloter l’efficacité énergétique en temps réel
Alors que tous les experts alertent sur la possibilité de coupures cet hiver et que le gouvernement appelle à la sobriété énergétique, les acteurs de l’énergie commencent quant à eux à parler d’effacement pour pallier le manque de ressources résultant de l’indisponibilité des centrales nucléaires françaises et de l’arrêt d’approvisionnement en gaz par la Russie.
L’effacement est un dispositif visant à baisser sa consommation en période dite « de pointe », autrement dit aux heures de pic de consommation (généralement 12h-14h et 18h-20h), pour équilibrer le réseau électrique, en échange d’une incitation financière. Si ce dispositif concerne uniquement les très gros consommateurs (industriels), ces derniers jours certains appellent à l’étendre aux particuliers.
Alric Marc, fondateur d’EFICIA, French Tech innovante experte du pilotage énergétique des bâtiments tertiaires, apporte son éclairage sur la situation : « en France, le dispositif d’effacement avait été historiquement mis en place pour aider certaines régions comme la Bretagne qui importe beaucoup d’électricité. Mais, cet hiver, la CRE pourrait demander à RTE d’appeler à l’effacement afin de gérer de gros manques d’énergie pour contrer les vagues de froid sur toute la France. Car pour éviter de mettre tout son réseau en péril si la demande est trop forte, RTE pourrait être amené à réaliser des coupures. La Bretagne à nouveau, étant une région avec peu de production, pourrait alors être la première à subir ces coupures. Autrement dit, l’effacement qui était historiquement mis en place pour l’équilibre du réseau mais qui n’était jusque-là pas un ‘vrai sujet’, devient aujourd’hui, en France métropolitaine, un sujet économique et géopolitique. »
Il poursuit : « Cet hiver, on peut s’attendre à voir des entreprises faire de l’effacement sur demande de RTE, mais pas uniquement. Le marché de l’énergie étant tellement volatile, certains fournisseurs refusent de s’engager sur des prix fixes sur certaines périodes et proposent uniquement des prix dits ‘spot’ pouvant être extrêmement élevés sur les heures de pointe. Certaines entreprises s’interrogent donc sur la possibilité de faire de l’effacement que je qualifierais de volontaire ; c’est-à-dire de décaler leurs usages et baisser leur consommation sur les heures où les tarifs de l’électricité sont les plus élevés afin d’avoir une équation économique plus intéressante. Depuis un mois, nous observons une demande proactive de la part de nos clients en ce sens. Et plus les prix du marché de l’énergie seront volatiles et plus l’effacement volontaire entrera dans les pratiques des entreprises. Le sujet pourrait même perdurer sur les deux à trois prochaines années, jusqu’à entrer dans les pratiques usuelles des entreprises. Mais cela aura de nombreuses implications organisationnelles, notamment pour les RH. »
« Si l’effacement est inévitable cet hiver pour éviter les coupures et pallier des tarifs très élevés, il faudrait selon moi le faire perdurer dans le temps et avoir de plus en plus de mécanismes incitatifs. Car outre ses avantages économiques, lisser les consommations d’énergie de l’ensemble du pays permet aussi de réduire la production d’énergie via des centrales très émettrices de carbone (les centrales à charbon notamment qui viennent compléter la production issue du nucléaire et des énergies renouvelables). D’autant plus qu’avec le réchauffement climatique, les pics de consommation vont aussi se produire l’été comme c’est d’ores et déjà le cas aux Etats Unis. C’est pourquoi il est primordial d’instaurer et de conserver cette pratique sur le long terme » recommande Alric Marc.